Si on lisait ?
"Le 22 février 1942, exilé à Pétropolis, Stefan Zweig met fin à ses jours avec sa femme, Lotte. Le geste désespéré du grand humaniste n'a cessé, depuis, de fasciner et d'émouvoir. Mêlant le réel et la fiction, ce roman restitue les six derniers mois d'une vie, de la nostalgie des fastes de Vienne à l'appel des ténèbres".
Le roman est réussi dans la mesure où il communique à
merveille l'ennui de ses protagonistes et leur désir d'isolement - en
tout cas celui du célèbre auteur autrichien qui a fui les horreurs de la
guerre en trouvant refuge au Brésil avec sa seconde épouse, Lotte.
Laurent Seksik imagine un quotidien rythmé par les pensées sombres et la
nostalgie d'un monde perdu, nourri de rencontres de hasard ou avec
d'autres exilés - tel Georges Bernanos -, qui le pressent de s'engager
ou d'user de son influence. Sollicité de toutes parts, hanté par les
suicides de ses amis, Stefan Zweig s'estime "trop vieux pour le combat"
et, résigné, sombre dans les abîmes de la dépression jusqu'à choisir une
issue fatale, entraînant avec lui sa compagne - dont on doute de la
mesure du consentement, à en croire Seksik qui l'évoque comme la
"prisonnière" de la dépression de son époux.
"Ennui" : c'est vraiment
le mot qui a accompagné toute ma lecture, connaissant un peu l'œuvre de
Zweig je partais avec un bon a priori, mais si l'écriture est agréable
le tout est franchement déprimant.
{Les Derniers jours de Stefan Zweig, Laurent
Seksik, Flammarion.}
"A Vancouver, les prostituées du Dowtown Eastside
disparaissent. Soixante-neuf déjà. Parmi elles, Sarah, jolie, rieuse,
pleine de vie. Mais qui se soucie du sort de ces filles qui vendent leur
corps pour un peu d'héroïne ?"
Alors que sur ce fait divers atroce, un autre auteur aurait pu produire une enquête approfondie de centaines de pages rien qu'avec le contexte, les enjeux économiques et politiques ou encore le parcours de certaines des victimes, Élise Fontenaille livre ici un rapport neutre et dépouillé qui se lit d'une traite. Il a pour mérite de faire exister ces filles considérées comme des moins que rien - de la "viande", littéralement - et de dénoncer une situation qui perdure, car même si le bourreau a été arrêté, de jeunes femmes continuent à disparaitre dans le Dowtown Eastside de Vancouver ; mais même si l'auteur s'attache particulièrement à l'enquête menée par Wayne Leng pour retrouver son amie Sarah, le style n'en est pas moins clinique et journalistique. Sans doute est-ce propre à la collection "Ceci n'est pas un fait divers" ? L'histoire de Kitty Genovese vue par Didier Decoin m'avait laissé le même sentiment : passionnant dans les faits, utile pour le devoir de mémoire mais un peu trop sec dans la manière.
{Les Disparues de Vancouver, Elise Fontenaille, Grasset.}
"Samuel
Szajkowski enseigne l’histoire dans une école secondaire, mais
aussi d’autres matières car on manque de personnel. Par un été torride,
il entre dans une salle, ouvre le feu et tue trois élèves et un collègue
avant de retourner son arme contre lui."
Ce n'est pas vraiment un polar, plutôt le portrait à
plusieurs voix (élèves, collègues, directeur d'établissement) d'un
professeur un peu différent et "trop poli", harcelé au sein du
collège où il enseigne jusqu'à atteindre le "point de rupture" et
commettre l'irréparable. On suit au fil des pages le travail d'une
enquêtrice tenace - elle-même victime de harcèlement sur son lieu de
travail - qui cherche à comprendre ce que tout le monde considère
comme le geste fou d'un psychopathe.
Le climat de persécution
régnant dans le collège est bien restitué, mais j'ai trouvé la fin
décevante et un peu confuse, s'éparpillant en plusieurs pistes, et au
final l'auteur ne propose pas d'explication claire au geste du
professeur. Cela dit c'est un beau coup d'essai pour un premier roman et
un auteur à surveiller.
{Rupture, Simon Lelic, Editions
du Masque.}