Mauvaise Fille, Bonne lecture
Alors que Louise/Justine attend son premier enfant, sa
mère se meurt d'un cancer... Je n'avais pas beaucoup apprécié "Rien
de Grave", son précédent livre, mais depuis ,le ton a mûri (la vie,
hélas...) et c'est la douleur, la colère, qui s'expriment ici. Sur ce
qui semble irracontable - l'agonie d'une mère -, Justine Levy trouve
les mots justes. C'est poignant, on aurait envie de consoler cette jeune
femme démunie devant la déchéance physique de sa mère et déboussolée
par les sentiments que cela éveille en elle, et d'autant plus terrorisée
par sa future maternité - puisque je suis une "mauvaise fille", comment
pourrais-je être une "bonne mère" ? Émouvant, terriblement émouvant.
{Suis-je subjective ? Non, bien sûr. Justine, pardon, Louise,
si le passage où vous sautez à la gorge du grand ponte de la médecine -
Toubib avec un grand T - qui n'est même pas fichu de se souvenir du nom
de votre mère et qui lui parle comme à une débile est réel (et je crois
qu'il l'est), alors je vous embrasse bien fort - j'ai rêvé d'en faire
autant.}
Difficile de choisir un extrait tant cela sonne
comme une confession intime :
"Cette candeur,
dans ce visage qui n'est déjà plus son visage, qui n'est plus un visage,
qui est un masque. Elle doit savoir. Elle ne peut pas ne pas savoir.
Chaque regard est si intense. Une torche. Un doigt pointé, insolent,
frondeur, vivant. Je n'ose plus lui parler de rien. Je n'ai pas la force
non plus de lui mentir davantage. Je cherche quelque chose de drôle à
lui dire. Maman disait toujours que je suis drôle. C'était notre langue
commune, avant, le rire. C'est le pont qui nous rapprochait quand on
restait des jours, ou des semaines, sans se voir. Là je ne trouve rien
de drôle à dire. Je me sens sale. Et sotte. Et pas drôle."
"Maman pas malade me manque. Maman à qui parler. Maman avec qui rigoler. (...) Ce n'est plus vraiment maman, cette chose, là, reliée à ces tuyaux. Cette maman qui ne sort plus de son lit. Qui bave ses repas. Qui chie dans ses draps. Mais qui est vivante. Encore. Quand même. Etre vivante, maintenant, pour maman, ce n'est plus aimer, ce n'est plus mentir, rire, faire l'amour, écouter sa petite Louise lui raconter ses petites histoires, c'est juste respirer, essayer de trouver de l'air entre deux tuyaux, entre deux quintes, être vivante c'est chercher de l'air, ne pas le trouver, se faire aider, souffrir, ou peut-être même pas, qui sait ? Combien de temps peut-on vivre cette vie-là ? Combien de temps on peut tenir ?"
"Quelle est ma place, maintenant, dans ce monde sans maman ? Je ne sais pas. Je ne sens rien."
{Mauvaise Fille, Justine Levy, Stock.}
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