La Marche, le film qu'il faut soutenir absolument
... Parce qu'il nous remet en mémoire un évènement qui a marqué en son temps la France en crise des années 80, la Marche pour l'Egalité et contre le racisme lancée à l'initiative d'un jeune des Minguettes, qui après avoir reçu une balle lors d'une bavure policière, décide de répondre par la non-violence. 1000 kilomètres entre Marseille et Paris à la découverte des multiples visages de la France, et au bout, l'espoir.
Le film marche en équilibre constant entre la brutalité insupportable de l'actualité et des actes de racisme qui vont en dégénérant, et le quotidien de l'aventure de jeunes gens idéalistes qui se lancent dans une équipée folle en tentant de laisser sur leur passage un message de paix et d'entraîner le plus de monde possible avec eux. Galvanisés tantôt par l'espoir, tantôt par la peur, bien sûr ils en sortiront changés pour la vie. Les personnages (imaginés pour les besoins de l'histoire pour la plupart) sont vraiment réussis, même s'ils flirtent parfois avec les stéréotypes (la beurette, la radicale, la lesbienne, le catho...), mais le talent de Nabil Ben Yadir est de ne pas avoir sacrifié un protagoniste à un autre (une dizaine tout de même ! Quel dommage d'ailleurs de ne mettre en avant que les plus connus sur l'affiche...).
Voici un film qui tombe à pic, l'écho étant plus qu'évident à l'actualité : que s'est-il passé depuis 30 ans ? si le constat est aussi alarmiste qu'alors (si ce n'est plus, en ces temps odieux de banalisation du dérapage verbal), l'espoir demeure, et les quelques initiatives médiatiques (ou pas) lancées autour des 30 ans de la Marche et de la sortie du film contribuent à le prouver.
Au delà de ses quelques maladresses de forme, c'est un film nécessaire qu'il faut voir pour rire, pleurer, et surtout réfléchir. Reste à espérer qu'il ne fera pas l'objet à l'occasion de sa sortie d'une récupération médiatique et politique (ou alors à bon escient), comme ce fut le cas il y a 30 ans. La Marche continue.
Si j'ai regretté la fin un peu abrupte du film, j'ai voulu en savoir davantage en lisant le livre publié par l'initiateur de la Marche, Toumi Djaïdja. Il y raconte comment, dans un contexte de grandes émeutes urbaines, il eut l'idée de cette marche pacifique, de quelle façon cette épopée collective a fait se rencontrer des destins individuels et a connu un retentissement national. Et surtout, comment s'est passée l'après-Marche : les désillusions, les fruits de l'aventure récoltés par d'autres, la difficulté de garder à cette histoire toute sa dimension humaine et de ne pas se laisser happer par le politique. Edifiant mais jamais revanchard.
Je sais que le chemin de l'égalité est long, voire infini, mais il faut rester positif ; il ne faut pas laisser transpirer de la colère, ou même, comme chez certains, la haine de soi et la haine des autres, parce qu'on ne construit rien avec ces sentiments. Alors voilà pourquoi je sors de mon silence et prends mon courage à deux mains pour dire : "Mettons dans nos coeurs et nos esprits une part d'humanité, une part d'amour, une part de soi, sans quoi on ne va plus se comprendre.
{La Marche, un film de Nabil Ben Yadir avec Tewfik Jallab, Olivier Gourmet, Charlotte le Bon, Vincent Rottiers... sortie le 27 Novembre,
La Marche pour l'Egalité, Une histoire dans l'Histoire, Toumi Djaïdja et Adil Jazouli, L'Aube}
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