"Wild", mais pas trop
Le principal tort de Wild de Jean-Marc Vallée, c'est d'arriver après (Into the) Wild de Sean Penn. Car inévitablement on se retrouve à comparer ces deux randonnées dantesques, à se demander qui en a le plus chié, de Cheryl Strayed ou de Christopher McCandless qui décident de plaquer le monde matérialiste (et leurs emmerdes) pour communier avec eux-même et avec la nature, la vie la vraie quoi. Bon ok, c'est biaisé puisqu'il y en a un sur les deux qui en est mort. Chuut je dirais pas qui, mais c'est pas celle qui s'est arraché un ongle.
Sérieux, si les deux histoires n'étaient inspirées de personnages réels, on braillerait au sexisme. Nos deux aventuriers ont pour point commun de vouloir balancer aux orties le monde matérialiste pour se trouver eux-même (qui n'a pas été tenté par le rejet pur et simple du monde occidental, de la consommation et de la propriété, cachant peut-être plus prosaïquement un rejet de soi), mais l'un est un jusqu'au boutiste alors que l'autre va tester du rouge à lèvres à chaque pause. Cheryl est en pleine traversée du désert marital, donc elle met son monstrueux baluchon bleu sur le dos et elle part se faire des ampoules. Elle papote avec sa maman récemment décédée (Laura Dern, dans un énième rôle de mère courage) et elle souffre. Et quand elle est pas contente, elle crie et elle balance ses godasses de marche dans le canyon. Ce qui est quand même sacrément ballot quand il te reste 1700 bornes à faire. Elle a du pot, en fait le seul véritable problème qu'elle croisera ne viendra ni de la nature (sacrément absente) ni des animaux sauvages, mais bien des hommes. Si tu voulais encore plus de métaphore t'es servi.
Ah oui, et elle pue aussi, comme le lui répète chacune des personnes qu'elle croise, ce serait un mec on lui ferait pas remarquer son petit air négligé vu qu'il vient de se farcir 20 bornes à pied par jour, mais là no way ma chérie, tu pues bien trop, gaffe à ton hygiène corporelle (texto) ! Des petits flashs nerveux viennent justifier cette marche expiatrice, car Cheryl est en quête de pardon, car Cheryl est une vilaine fille (attention c'est pas tout à fait un film grand public), c'est pour ça qu'elle marche.
"Gnhiiii je trouve plus mon déo !!"
Le comble quand même, c'est d'évoquer le bonheur d'assister à la magie des levers et des couchers de soleil, et de ne quasiment rien voir de la beauté des paysages qu'elle traverse - j'ai même galéré pour trouver de belles images du film pour illustrer cet article, c'est quand même fort.
Bref, je crois que ça se sent, je suis un peu mitigée et je suis aussi un peu vache, j'avais très envie de le voir et je suis sortie frustrée. Si tu as envie de voir un film avec des ampoules au pied, l'an dernier j'avais bien aimé un petit film sans prétention, "The Way", avec un Martin Sheen filmé par son propre fils, plus sympa, plus modeste et plus réaliste.
{Wild, un film de Jean-Marc Vallée, avec Reese Witherspoon, actuellement en salles}
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