Le Saint Laurent de Bonello
J'insiste sur mon titre car ici, c'est vraiment le cas de figure du film où le réalisateur s'est emparé de son sujet au point de l'imprégner de sa patte, de sa signature. C'est à la fois génial (à bas le cinoche impersonnel et formaté), et casse-gueule (quand tu choisis comme sujet une figure aussi emblématique que celle du grand couturier).
L'inédit aussi dans cette situation, c'est l'existence de l'autre Saint-Laurent, celui de Jalil Lespert sorti il y a quelques mois. Je l'ai vu, je l'ai aimé, et il est difficile de ne pas se laisser tenter par les comparaisons. D'abord, mettons vite cela de côté, les deux acteurs (Niney et Ulliel) sont aussi impressionnants l'un que l'autre (1 partout).
Ensuite, avec le recul, la mise en scène du premier me semble aussi classique et académique que celle de Bonello, comme je le disais en préambule, est atypique et orientée.
Le fait que l'un soit sorti en salles avant l'autre a aussi une influence certaine. En allant voir le premier j'attendais de voir s'il était vraiment possible de s'attaquer à la vie, plus lumineuse que sombre, d'un monument intimidant. Maintenant qu'on sait que c'est possible, il s'agissait de voir ce que Bonello pouvait apporter de plus - ou de différent.
J'étais partie pour adorer ce film, et au final, je n'ai pas adhéré du tout à cet univers, j'ai trouvé que sur le papier c'était vraiment intéressant, avec des trouvailles de mise en scène, des cadrages magnifiques, une volonté manifeste de rendre hommage au monde de la couture (et de ses petites mains), mais à l'écran je n'ai pas aimé le résultat (et je me suis aussi considérablement ennuyée).
Cette version-là est bien plus charnelle, rappellant un peu L'Apollonide (que j'avais beaucoup aimé) du même réalisateur, on y parle bien plus de débauche, d'une certaine époque où les nantis déconnectés du reste du monde passaient leurs nuits en boîte à se perdre dans les abus de sexe, d'alcool, de drogues. Le côté obscur de Yves Saint-Laurent n'est plus un secret pour personne, reste qu'il est troublant de constater à quel point de nos jours les statues ne sont plus indéboulonnables, ni les grands hommes intouchables. C'est mon côté conservateur qui ressort, imaginer le grand Monsieur parler de sa difficulté à péter, ou voir agoniser son clebs pendant 10 bonnes minutes, je n'en vois pas trop l'intérêt, si ce n'est, peut-être, rendre sa personnalité douloureuse plus touchante pour certains, pathétique pour d'autres.
{Saint-Laurent, un film de Bertrand Bonello avec Gaspard Ulliel, Jérémie Rénier... actuellement en salles}
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