Comment ai-je pu faire un aussi grand garçon ?
Comment ai-je pu passer de ce nouveau-né vif, exigeant et pressé de courir le monde à ce grand pré-ado aux longues jambes maigrichonnes, à l'appétit de loup et à la sensibilité puissance 10 000 ?
Comment est-on passé, sans transition semble-t-il, de "Zut" à "Black M", de "Tchoupi prend le train" au "Journal d'un Dégonflé" ?
C'est effarant de ne pas s'apercevoir que son enfant grandit, c'est vrai qu'on est rarement, en fait jamais séparé, et qu'il est difficile parfois de prendre du recul ; et tout à coup tu réalises que le gamin qui chouinait parce qu'il voulait tout faire tout seul, et que le monde s'écroulait quand il n'y arrivait pas du premier coup (toujours, d'ailleurs), dépasse l'étagère sur laquelle tu mettais hors de sa portée tout ce qui était dangereux. Des connaissances s'exclament "qu'est-ce qu'il a grandi", alors tu regardes ton tout petit, tu te souviens des nuits sans dormir avec son nez niché dans ton cou, des tout premiers chagrins et des tout premiers cauchemars et de sa toute première rentrée, et tu te dis, oui c'est vrai, comme il a grandi. ll te demande quand il aura l'âge de voter, s'inquiète de ce que nous, ses parents, deviendrons quand il quittera la maison, et tu le supplies alors intérieurement de profiter encore de ses petites heures d'insouciance et dernières bribes d'enfance.
Parfois, quand personne ne nous regarde, ce grand garçon qui va très bientôt me dépasser en taille vient encore se lover contre moi en miaulant un petit «maman », parfois dans la rue sa main vient chercher la mienne mais très vite il la retire, je crois qu'il a tout fait à l'envers mon grand petit, mais je savoure cet attachement différent, cette relation plus apaisée.
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