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C'est quoi ce bazar ?
7 janvier 2016

Tu vois, Charlie

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J'ai écrit ce qui suit il y a un an exactement mais jamais publié, d'autres s'étaient déjà tant exprimés et tellement mieux. Je viens de le retrouver dans un coin de mon ordi.

 

Jusqu'à mercredi, j'étais peut-être l'une des dernières irréductibles gauloises optimistes. Des mois, des années qu'on nous serine que la vie est triste, que la France est morose, et moi dans cette atmosphère caca de merde j'étais la bénie oui-oui de service, à toujours essayer de voir le verre à demi-plein plutôt qu'à moitié bu, la nuche au pays des Bisounours dont on se moque (elle est mignonne...) qui n'en pense pourtant pas moins mais lutte de toutes ses forces en se persuadant que dans le fond l'homme est bon même si la nature humaine est tout sauf prédisposée au bonheur.

Mais tu vois Charlie, ce mercredi midi mon sourire niais s'est figé net, j'ai appelé au secours mon homme ("il se passe un truc, un truc grave à Charlie Hebdo"), et pendant des heures j'ai fixé mon écran à guetter les signes, à espérer que quelqu'un finirait par dire "Nanméo c'était une blague !" et la nuit suivante j'ouvrirai les yeux toutes les heures en me disant "C'est un cauchemar, non ? non ?".

Tu vois, Charlie, ces noms alignés et tellement connus, ils me suivaient depuis toujours, rends-toi compte, j'essayais de recopier les dessins de Cabu quand j'étais petite ! Charlie, tu as accompagné ma jeunesse, lorsqu'avec mon amoureux à la fac on se passait tes numéros. Parfois on découpait et affichait l'un de tes dessins, on rigolait en ayant un peu honte. Et puis en vieillissant on a cessé de te lire aussi régulièrement, on était peut-être un peu moins souvent d'accord avec toi, mais on continait à se montrer les couvs en ricanant.

Tu vois, Charlie, l'important ce n'est pas ce que tu racontais, l'important c'est que tu existais. Tu vois, Charlie, pendant quelques heures je me suis dit que c'était fini, qu'on était foutus, que mes gosses ne te liraient pas, qu'il n'y aurait plus de contre-pouvoir insolent, et à quoi ressemblerait un pays où serait aboli le pouvoir de critiquer ?
Putain, Charlie, mais comment on va faire sans toi, maintenant que tu n'es (presque) plus là ?? Qui va nous défendre ? Déjà qu'on était mal barrés face à la montée de la bête immonde, mais alors là l'un des derniers fusibles vient de sauter. Je ne doute pas qu'il y aura des talents pour essayer de prendre la relève, mais y arriveront-ils, à présent dans le pays de la fragile expression où on peut mourir pour un dessin ?
Putain, Charlie, moi aussi maintenant je suis contaminée par la peur, absolument pas de ces tarés armés qui ne nous empêcheront pas de continuer à vivre, mais de l'avenir qui s'annonce brun, des extrêmes qui ont désormais le champ libre. T'es parti, où, Charlie, putain reviens avant qu'ils ne deviennent tous fous !

 

1 an après, la boule au ventre est toujours là, et elle a eu les occasions de se manifester bien trop souvent en 2015. Mais même s'il en a pris un sacré coup je continue à cultiver mon côté Bisounours, à avoir envie de danser, dessiner, lire, écouter de la musique, vivre. Sans oublier.

 

Illustration : l'un des géniaux croquis de Sfar , s'il y a bien un compte Instagram de talent à suivre c'est le sien.

 


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Commentaires
B
Je te comprends, moi aussi j'ai vécu ce jour-là comme dans du brouillard, j'ai eu peur que mes enfants vivent dans un monde sans la liberté d'expression si précieuse. J'étais souvent heurtée par Charlie Hebdo mais c'était tellement rassurant que de tels dessins puissent être publiés. Un an après on revit un peu ça et maintenant on sait que tout le monde peut être attaqué par ces fanatiques alors tu as raison, profitons de notre liberté pour lire des livres, voir des films, des séries, tout de qu'on peut connaître dans notre civilisation. Bon week-end. Cécile.
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