Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
C'est quoi ce bazar ?
17 mars 2011

Et devant moi, le monde

101_0865 Lorsqu'en 1972, Joyce Maynard, 18 ans, publie un article sur la jeunesse dans le New York Times, elle attire sur elle l'attention du mythique auteur de "L'Attrape-Coeurs", J.D.Salinger, qui vit en reclus dans le New Hampshire. S'ensuit entre eux une longue correspondance, puis ils finissent par se rencontrer. Il la berce de tant d'éloges et d'illusions qu'elle plaque tout, sa famille, ses projets d'avenir, la fac, pour aller partager son isolement. Comme on pouvait s'y attendre, le monsieur devient alors nettement moins gentil et la vire manu militari au bout d'un an, dévastée et désemparée devant le monde qui s'ouvre à elle.

"Un jour Salinger est le seul homme existant dans mon univers. Je m'en remets à lui pour me dire quoi écrire, quoi penser, quoi porter, quoi lire, quoi manger. Il me dit qui je suis, qui je devrais être. Et le jour suivant, il n'est plus là".

J'ai d'abord eu du mal à entrer dans ce livre, j'ai même failli abandonner. Et puis, au bout d'une centaine de pages, il s'est mis à me passionner, réellement. Il faut dire que si le portrait que dresse Joyce Maynard de Salinger est tout sauf sympathique, ce type suffisant qui méprise le monde dans sa totalité, se nourrit de graines et semble prendre plaisir à tester son emprise sur les jeunes filles aveuglées par l'aura du grand homme, il n'en est pas moins fascinant.
N'était-ce pas un peu dérangeant de publier les petits secrets d'un homme célèbre et célèbré qui a maladivement protégé sa vie privée ? L'auteur a été vivement critiquée pour avoir osé faire tomber le géant littéraire de son piédestal, mais c'est finalement d'elle même que Joyce Maynard parle le plus (sa liaison avec Salinger ne tient  finalement qu'un 1/3 du livre), livrant son intimité dans ses détails les plus bruts (son anorexie, ses problèmes sexuels) et des épisodes de sa vie personnelle les plus douloureux (je pense particulièrement à une scène d'accouchement marquante... pas sûr que le papa ait apprécié le récit), elle ne se donne pas le beau rôle de la jeune victime... mais mettra tout de même 25 ans à digérer sa douloureuse première histoire d'amour.

"Tant que sera remis en cause le droit d'une femme à raconter son histoire, on permettra que se reproduise le même schéma dangereux et dommageable vécu par les générations précédentes. L'outil le plus puissant que possèdent la plupart d'entre nous, c'est sa voix. Si on nous l'enlève, que nous reste-t-il ?"

{Et devant moi, le monde, Joyce MAYNARD, Editions Philippe Rey}

9782264052698Du même auteur, "Long Week-end", huis-clos étrange entre un jeune garçon de 13 ans, sa mère et un taulard évadé de prison, hautement recommandable et hautement recommandé, qui vient de sortir en poche chez 10-18.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Oui, Salinger était vraiment très spécial.<br /> Connais-tu la chanson du groupe Indochine "Des Fleurs pour Salinger"? Ce côté "coupé du monde" y est largement évoqué.
P
ça a l'air bien violent tout ça !
.
.
.
Publicité
.
.

.
.

.
.
Newsletter
Publicité