Les Mots pour le Dire *
Il y a peu, Chéri et moi regardons ensemble le DVD de ce film - que j'ai d'ailleurs trouvé très bon -, et dont je connaissais d'autant plus l'histoire que j'avais lu auparavant le livre dont c'est l'adaptation ; il y est question (entre autres) de maladie, de mort, de la perte de ceux qu'on aime - j'étais donc préparée. Je fouille dans mes cahiers et retrouve les (très) longs extraits que j'en ai recopié à l'époque ; l'homme, qui connait parfaitement ma sensibilité, les lit et me demande : "Mais POURQUOI tu as lu ça ?". C'est une question qu'on me pose souvent : "Pourquoi tu lis ça ?", comme on dit "Pourquoi tu t'infliges ça ?". Je réponds : "C'est la Vie. Je ne suis pas la seule à en être passée par là. Mais il y en a qui ont le besoin - et la capacité - de le raconter."
Est-ce si vrai ? Parmi mes livres favoris, en figure un en particulier que je ne pourrai jamais relire, et qu'il m'est en plus difficile de recommander, qui traite également sans fioritures de ces sujets qui me hantent depuis des années (et qui m'ont même amenée dans la salle d'attente d'une psychanalyste). Mais ce pourrait être vrai de n'importe quel thème qui deviendrait un interdit personnel, alors imagines lorsqu'en plus il est question de tabou sociétal - je pense aux films "Amour" ou "Quelques Jours de Printemps" sortis l'an dernier, que j'ai regardé avec la plus grande difficulté, mais aussi avec curiosité (tout sauf malsaine) : comment, de quelle manière parler de ça?...
Est-ce qu'on peut esquiver perpétuellement les sujets douloureux ? Moi qui suis bibliophile, moi qui suis cinéphile, est-ce que je peux éviter à perpét de tomber sur des sujets qui vont à coup sûr me secouer ? Possible. Mais difficile, à moins de mettre de grosses oeillères.
Alors pourquoi se confronter à ça ? Quel besoin de remuer la souffrance, de titiller la plaie pour qu'elle saigne à nouveau, comme ce film que j'évoquais au début de mon propos et qui m'a tout de même provoqué une sourde angoisse (ma spécialité). "Tu es maso ou quoi ?"
Non, simplement j'éprouve, comme tout un chacun qui trimballe avec soi ses épreuves, ses expériences, ses douleurs, le besoin de me reconnaître dans les mots ou les images d'un autre, quand moi-même je n'ai ni le talent, ni l'énergie pour le formuler. S'y cogner pour mieux comprendre, aussi, peut-être.
Se rassurer d'appartenir à une fraternité, fût-elle de souffrance (j'utilise un bien grand mot, mais tu me comprendras), reconnaître qu'on puisse être tourmenté toute sa vie par les mêmes évènements. Accepter qu'on ne puisse pas les fuir ou les éviter systématiquement. Admirer celles et ceux qui savent l'exprimer mieux que soi. En mots, en images, en musique. Du coup, se sentir un peu moins seule. Merci à eux.
★
*Titre emprunté à un très beau livre de Marie Cardinal qui lui aussi, m'a marquée en son temps.