Trouver les mots
Juste avant les vacances, un drame est survenu, de ceux dont on entend hélas trop souvent parler dans les médias, et une petite fille n'est plus jamais allée s'asseoir sur les bancs de l'école. La nouvelle est tombée un matin et s'est répandue rapidement parmi les parents via mails, sms, bouche à oreille. Le soir, nous avons récupéré nos enfants à la sortie de l'école dans une ambiance très tendue, appris que le directeur de l'établissement était passé dans chaque classe accompagné de psychologues, lu le mot déposé dans les cahiers de liaison et affiché sur les portes de l'école. Puis guetté avec anxiété les réactions d'écoliers de 6 ou 7 ans à qui l'on doit expliquer qu'ils ne reverront plus jamais, jamais, une camarade de classe ou de récréation. Comment un enfant peut-il recevoir l'information à un âge où l'on joue à "Pan ! t'es mort !" à coup d'épée en carton ou de fusil en plastique ? Enfants qui, pour certains, ont commencé à réagir de façon rigolarde (ça peut paraitre choquant pour nous adultes, mais après tout est-ce que nous aussi à l'annonce d'un drame nous ne réagissons pas sur le coup de façon incrédule ?), même pour ceux qui ont déjà été confrontés au deuil d'un adulte, d'un parent plus ou moins âgé et plus ou moins proche, mais pour qui la mort reste tout de même une affaire de grandes personnes, comment faire comprendre, accepter l'intolérable, à savoir que même un enfant de leur âge n'est pas à l'abri ?
Chez nous, j'ai parlé un bon moment avec mon grand pour lui expliquer la gravité et l'inéluctable de la situation, tant j'avais l'impression qu'il prenait (en apparence du moins) les choses avec légèreté - sans l'accabler pour autant, mais pour qu'il soit au moins préparé à ce qui risquait de se dire dans la cour de récréation les jours suivants. Le lendemain de la nouvelle, je l'ai trouvé plus calme et pensif qu'à l'accoutumée, et puis le temps des questions est venu. Nous avons choisi ensemble de jolies fleurs pour participer aux témoignages d'amitié, il a fait un beau dessin avec un arc en ciel et sa camarade en dessous qui fait un signe de la main comme pour dire au revoir. Les jours suivants l'atmosphère était si lourde et si triste que la coupure des vacances est arrivée au bon moment pour que chacun puisse reprendre ses esprits - sans jamais oublier que tout peut nous être repris d'un moment à l'autre.