Certaines n'avaient jamais vu la Mer
1919, de jeunes japonaises quittent leur pays pour les Etats-Unis où les attendent un homme qu'elles n'ont jamais vu et avec qui elles ont été mariées par correspondance. Le rêve américain va vite tourner court, car c'est de main d'oeuvre dont le continent a besoin, une main d'oeuvre qui sera exploitée jusqu'à la lie.
"Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort."
D'une page de l'histoire du Japon méconnue, Julie Otsuka est parvenue à tirer un recueil bouleversant, condensé de témoignages à la première personne du pluriel déroulant une vie d'exil et de misère. D'une seule voix (une vraie réussite dans l'écriture, le procédé était pourtant risqué), ces femmes racontent le voyage, la découverte de ces inconnus qui les attendent et ne ressemblent en rien à ce qu'elles espéraient, la première nuit, les américains, la naissance des premiers enfants, le quotidien, la vie, la mort, une vie de labeur et d'humiliation qui finira dramatiquement lorsque, pendant la guerre, tout japonais fut désormais considéré comme l'ennemi - et entraîné vers un avenir obscur. Que sont devenues Chiyomi, Hatsumi, Yuriko ou Akiko... ? Autant de destins unis dans la résignation et la tragédie que ce beau texte choral parvient à sortir de l'oubli.
{Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie OTSUKA, Phébus}
★
La photo de la couverture qui m'a intriguée fait partie d'une magnifique série d'Arman Zhenikeyev...
Source ★